GINÉS Camila. Les cyniques entre ascétisme et jouissance
Semestre 1
Vendredi 15h-18h
Licence, Master
GINÉS Camila
Les cyniques entre ascétisme et jouissance
Dans ce cours il s’agira tout d’abord d’explorer les aspects singuliers de l’ascétisme cynique par rapport aux formes d’ascétisme qu’on retrouvait dans les autres écoles philosophiques de l’Antiquité et plus tard dans le christianisme. Nous verrons comment, outre qu’être un ascétisme du corps et pas de l’esprit ou de l’’âme comme celui d’autres écoles helléniques (stoïciens, platoniciens, épicuriens), l’ascèse cynique se caractérisait pour sa façon de faire converger la maîtrise de soi avec la jouissance et le plaisir. Loin d’être un ascétisme de la mortification de soi ou de la renonciation du sujet à sa volonté, comme ce sera le cas dans l’ascétisme chrétien, les cyniques cyniques manquaient au contraire de tout tabou (ils pratiquaient l’inceste, l’anthropophagie, le sexe en public).
De ce point de vue, on analysera l’ascèse des cyniques comme une épreuve d’endurance et un combat contre soi-même pour pouvoir mener (de manière scandaleuse) une critique aux conventions de leur époque, à un système de valeur qui rend l’homme esclave, dépendant et malheureux, comme il est témoigné par Diogène le cynique qui considérait ces exercices comme « une aide instinctive pour la philosophie ». Ensuite on s’attachera aux interprétations dont l’ascétisme cynique a fait l’objet dans la philosophie contemporaine, notamment celle d’inspiration nietzschéenne. Sous cet angle on étudiera comment le mélange de pulsions qui se joue à la surface de la corporéité cynique (passions-corps) a amené Deleuze à parler d’une « philosophie de la perversion » ; ou encore comment les exercices ascétiques des cyniques soutiennent d’après Foucault la recherche d’un « maximum de plaisir avec le minimum de moyens ». Enfin, on se penchera sur les thèmes du retour à la nature (animalité cynique) et du dépouillement de la vie jusqu’à l’élémentaire pour y retracer les stratégies ayant une finalité critique axée sur la devise cynique de la falsification de la monnaie et de l’altération de normes sociales (parakharakein to nomisma). Ce point, déjà souligné par Foucault, nous permettra enfin de mettre en rapport cet aspect du cynisme avec la question nietzschéenne de la transvaluation des valeurs, en repérant les différentes modalités d’envisager cette question chez Foucault.
Bibliographie indicative :
D. Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, tome II, Paris, GF Flammarion, 1992.
M.-O. Goulet-Cazé, Le cynisme, une philosophie antique, Paris, Vrin, 2017.
R. B. Branham et M. O. Goulet-Cazé, The Cynics. The cynic movement in antiquity and its legacy, Los Angeles, University of California Press, 1996.
F. Nietzsche, Par-delà le bien le mal, la généalogie de la morale, dans Œuvres philosophiques complètes, tome VII, Paris, Gallimard, 1971.
G. Deleuze, Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1969.
M. Foucault, Le courage de la vérité, Paris, Gallimard-Seuil, 2009.
P. Sloterdjik, Critique la raison cynique, Paris, Bourgeois, 2000.