GINÉS Camila. Le Ménexène de Platon. Pourquoi le Logos a-t-il besoin de la rhétorique pour politiser la mort ?


Semestre 1
Mercredi 18h-21h
Licence, Master
 
GINÉS Camila
Le Ménexène de Platon. Pourquoi le Logos a-t-il besoin de la rhétorique pour politiser la mort ?
 
Ce cours propose une lecture du dialogue socratique Le Ménexène à partir de ce qu’on appellera « l’hypothèse de la métisophagie », c’est-à-dire que le Logos (le discours philosophique) tout seul ne peut pas s’appuyer seulement sur lui-même pour fonder une rationalité soit-elle métaphysique ou politique, mais doit au contraire faire recours à ce qu’il a rejeté comme son dehors : la rhétorique et la sophistique. Ces dernières témoignent dès leur naissance une parenté avec la mètis, une forme particulière d’intelligence faite de ruses et stratagèmes permettant au plus faible de lutter et triompher sur le plus fort dont M. Detienne et J.-P. Vernant ont reconstruit l’espace très complexe de circulation dans l’univers social et culturel de la Grèce archaïque. C’est de ce pouvoir que le Logos philosophique cherche à s’emparer pour faire régner son Nomos dans la cité démocratique et effacer en même temps les divisions et les rapports de force en jeu dans la société athénienne de l’époque. Le Logos tout seul manque d’un pouvoir du langage, d’un Logos autre (celui de la mètis) dont pourtant la rhétorique et la sophistique ont été pour Platon de dangeureux porteurs, un pouvoir que le Logos philosophique se propose pour autant à la fois de brider et d’incorporer (métisophagie).
La lecture du Ménexène de Platon, notamment à l’aide de la perspective élaborée par Nicole Loraux, nous aidera à saisir comment le discours de Socrate cherche à s’emparer de la rhétorique des oraisons funèbres déjà utilisée par l’aristocratie pour administrer le culte des morts – en ce cas des morts en guerre qu’il faut glorifier pour « inventer » une démocratie athénienne sans divisions. Aborder les rapports entre philosophie et rhétorique par le biais du culte des morts et des oraisons funèbres impliquera de ne pas inscrire ces questions dans une sphère, plus ou moins autonome, du sacré, mais d’adopter une perspective que L. Gernet avait déjà appelé celle des « Grecs sans miracles » et dans laquelle Loraux elle-même se situe. C’est sous cet angle que la lecture du Ménexène de Platon sera traversée par cette question de fond : pourquoi le Logos a-t-il eu le besoin de la rhétorique (des oraisons funèbres) pour politiser la mort et pour inventer un Nomos sans divisions ?
 
Bibliographie indicative :
Platon, Le Ménexène, Paris, GF Flammarion, 2008.
M. Detienne, J.-P. Vernant, Les ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, (1974), 2018.
N. Loraux, « Socrate contrepoison de l’oraison funèbre. Enjeu et signification du Ménexène », L’antiquité classique, vol. 43/1, p. 172-211, 1974.
N. Loraux, L’invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, Éd. De l’EHESS, (1981), 2022.
N. Loraux, La cité divisée. L’oubli dans la mémoire d’Athènes, Paris, Payot, (1997), 2005.
N. Loraux, La Grèce hors d’elle et autres textes, Paris, Klincksieck, coll. « Critique de la philosophie », 2021.
R. Clavaud, Le Ménexène de Platon et la rhétorique de son temps, Paris, Les Belles Lettres, 1980.