Chaire internationale de philosophie contemporaine de l’Université Paris 8. Denise Ferreira da Silva (Université de Colombie britannique) : On Interiority et On Sensibility. 2ème semestre 2023
Séminaires 2022-2023
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Salle de réunion : 680 7595 1431
On Interiority
4.
If every concept, like any other modern tool for thinking, cannot but presuppose interiority as its domain of operation, how can the latter be brought under interrogation - how can interiority itself become available to its own (our mental) tools ? In this seminar we consider whether the tools of raciality (that is, racial difference and cultural difference), which is the symbolic arsenal that plays in both the ethic-economic and an ethic-juridic corner of the liberal political architecture, can guide an analysis of interiority able to expose how it has operated in the accumulation of capital in the past two hundred years or so.
The core formulation of interiority engaged here is the on presented in Kant’s Critique of Pure Reason and Critique of Practical Reason, namely the formal thing or “unity of apperception.” Both books will be read with theoretical contributions that frame raciality as a political concept, such as (Gayatri C. Spivak’s, David C. Lloyd’s, Sylvia Wynter’s, Judith Butler’s, Frantz Fanon’s, C.L.R James’s, Édouard Glissant’s. Through these interventions we will read re-presentations of the Kantian Formal thing, the thing of interiority (the subject, subjectivity or the first-person singular) —, such as Husserl’s, Heidegger’s, Lacan’s, Foucault, Deleuze & Guattari’s) — that render it a crucial aspect of the liberal political entity.
Si chaque concept, comme tous les autres outils de la pensée moderne, ne peut que présupposer l’intériorité comme son domaine d’intervention, comment cette dernière peut-elle être interrogée – comment l’intériorité elle-même peut-elle être mise à disposition de ses propres outils (de nos outils mentaux) ? On se demandera dans ce séminaire si les outils de la racialité (c’est-à-dire la différence raciale et la différence culturelle), concept qui constitue l’arsenal symbolique jouant à la fois dans le coin éthico-économique et éthico-juridique de l’architecture politique libérale, peut guider une analyse de l’intériorité qui puisse montrer comment cette dernière est intervenue dans l’accumulation du capital depuis deux cents ans.
Le cœur de la formulation de l’intériorité engagée ici est celle que propose Kant dans la Critique de la raison pure et la Critique de la raison pratique, à savoir la res formalis (chose formelle) ou « unité d’aperception ». On lira les deux ouvrages à l’aune de contributions qui déterminent la racialité comme concept politique, comme celles de Gayatri C. Spivak, David C. Lloyd, Sylvia Wynter, Judith Butler, Frantz Fanon, C.L.T. James, Édouard Glissant. À travers ces propositions, nous relirons les re-présentations de la res formalis kantienne, la chose de l’intériorité (le sujet, la subjectivité ou la première personne du singulier) – comme celles de Husserl, d’Heiddegger, de Lacan, de Foucault, de Deleuze et Guattari – qui font d’elle un aspect décisif de l’entité politique libérale.
Sylvia Wynter. “The Ceremony Found : Towards the Autopoetic Turn/Overturn, its Autonomy of Human Agency, and the Extraterritoriality of (Self-)Cognition." Black Knowledges/Black Struggles : Essays in Critical Epistemology. Eds Jason R. Ambroise and Sabine Broeck. Liverpool, UK : Liverpool University Press : 184–252, 2003.
Both basic meanings of the term category (division and class) recall both multiplicity (actual existents or events [spatiotemporal occurrences]) and linearity (in the sense of something that separates [category as division] and encloses category as class]. As such a category is a hybrid of sorts : a material (multiplicity) and formal (linearity) signifier, as something that invokes the tools of thought and that to which it turns in modern knowledge, that is, things or nature or the world. Taking the category of blackness as a guide, in this seminar we will read Kant’s Critique of the Power of Judgement, with the intent to track how linearity and multiplicity enter in his mapping of the aesthetic. Of crucial importance to this unorthodox reading of the Third Critique is precisely the fact that blackness (as exemplified in the many cases of police brutality against black persons) functions in the imagination as a signifier of a threat, so great that before it otherwise unacceptable violence and indifference are immediately authorized because deemed necessary for self-preservation. Because, as found in every justification for such acts of brutality, this is not due to lack of knowledge, but to how blackness (as skin color) has been social scientifically produced as a signifier of criminality, the ethic-juridic role it performs calls for a a consideration of how the Kantian figuring of the aesthetic outlines a sensibility (the one which would be re-presented in later delineations of the field) that cannot but approach that which is divided and enclosed by the category of blackness as a datum, that is, as something that belongs to the sphere of the sensible and not ( as it is the case) that of the intelligible.
Les deux sens fondamentaux du terme de catégorie (division et classe) évoquent à la fois la multiplicité (existants actuels ou événements [occurrences spatio-temporelles]) et la linéarité (dans le sens de ce qui sépare – la catégorie comme division – et de ce qui englobe – la catégorie comme classe). En tant que telle, la catégorie est une sorte d’hybride : un signifiant matériel (multiplicité) et formel (linéarité), qui fait appel aux outils de pensée et à ce vers quoi la pensée se tourne dans la connaissance moderne, c’est-à-dire les choses, ou, pour le dire autrement, la nature, ou encore le monde. En prenant la catégorie de « blackness » comme guide, on lira dans ce séminaire la Critique de la faculté de juger de Kant en s’attachant à retracer comment la linéarité et la multiplicité contribuent à la cartographie de l’esthétique qu’elle propose. Un point décisif pour cette lecture hétérodoxe de la troisième Critique est que la « blackness » (comme le montrent les nombreux cas de violences policières sur des personnes noires) fonctionne dans l’imagination comme un signifiant qui renvoie à une menace, et à une menace si grande que, face à elle, une violence et une indifférence autrement inacceptables sont immédiatement autorisées, parce qu’elles sont jugées nécessaires à la préservation de soi. Comme on le voit dans les justifications de ce genre d’actes de brutalité, cet état de fait n’est pas dû à un manque de connaissance mais à la manière dont la « blackness » (comme couleur de peau) a été produit par les sciences sociales comme un signifiant de la criminalité ; par conséquent, le rôle éthico-juridique qu’elle joue appelle à considérer la manière dont la figuration kantienne de l’esthétique souligne une sensibilité (celle qui sera re-présentée dans des délimitations ultérieures du champ) qui ne peut qu’approcher ce qui est divisé et englobé par la catégorie de « blackness » comme point de référence, c’est-à-dire comme quelque chose qui appartient à la sphère du sensible et non (comme c’est le cas) à celle de l’intelligible.
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