CHERIF ZAHAR Farah. Modernité arabe et patrimoine philosophique


Semestre 2
Mercredi 9h-12h
Master ouvert Licence
 
CHERIF ZAHAR Farah
Modernité arabe et patrimoine philosophique
 
Depuis le milieu du XIXe siècle, des intellectuels arabes ont développé une réflexion soutenue qui tente de comprendre les raisons de la colonisation européenne et du « déclin » culturel arabe et islamique qui l’a favorisée et cherche à sortir de cet état de déclin et à créer les conditions de la modernisation des sociétés arabo-islamiques, c’est-à-dire les conditions du progrès politique, social, technique et culturel, pour rattraper le « retard » pris sur l’Europe et l’Occident. Ces réflexions ont été au cœur de la Nahda, la « Renaissance arabe », vaste mouvement intellectuel et culturel de langue arabe, entre la seconde moitié du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, et les intellectuels arabes y ont apporté des réponses très diverses. Plus tard, à la fin des années 1960, la même problématique réapparaît en des termes très proches. Beaucoup d’intellectuels arabes modernistes formulent à nouveau le constat d’un déclin et d’une crise politique, sociale et culturelle des sociétés arabes. Et ils affirment que le moyen d’en sortir et d’accéder à la modernité (hadata) est d’aller puiser dans le patrimoine arabo-islamique (le turat). L’idée est que seul le patrimoine arabo-islamique permettra de construire une modernité authentique, qui ne soit ni importée ni copiée sur l’Europe et l’Occident, mais bâtie sur le passé des sociétés arabo-musulmanes.
Ce cours s’intéressera à certains de ces modernistes arabes, ceux qui ont considéré que le patrimoine philosophique rationaliste arabe, notamment celui de la falsafa et d’Averroès en particulier, devait être réinvesti pour construire la modernité arabe précisément parce que c’est ce patrimoine philosophique qui a conduit l’Europe à la Renaissance, aux Lumières et à la sécularisation tandis que sa négligence a mené le monde arabo-islamique au déclin. Nous étudierons brièvement les premiers réinvestissements du patrimoine philosophique arabe par les modernistes à partir de la fin du XIXe siècle avant de nous concentrer sur les réinvestissements plus politiques et sociétaux de celui-ci à partir de la fin des années 1960, notamment chez des figures appartenant à la gauche arabe (Tayyib Tizini, Muhammad ’Abid al-Gabiri et dans une certaine mesure, Muhammad ’Imara). Nous nous intéresserons enfin à la critique du modernisme arabe et de sa promotion de la rationalité « dénudée » des Lumières européennes (’Abderrahman Taha) et nous discuterons particulièrement les travaux de Wael Hallaq, qui comme ’A. Taha, soutient la nécessité de refonder la pensée arabe contemporaine sur des concepts endogènes, issus des disciplines les plus centrales de la tradition arabo-islamique.
 
Indications bibliographiques :
M. Abed al-Jabri, Introduction à la critique de la raison arabe, Paris, La découverte/Institut du monde arabe, 1994.
A. Hourani, L’âge d’un monde arabe libéral, Paris, Atlande, 1996.
A. Von Kügelgen, Averroes und die Arabische Moderne, Brill, Leyde/New York, 1994.
A. Von Kügelgen, « A call for rationalism. Arab Averroists in the Twentieth Century », Alif : Journal of Comparative Poetics, n° 16, 1996, pp. 97-132.
W. Hallaq, Restating Orientalism : A Critique of Modern Knowledge, New York, Columbia University Press, 2018.
W. Hallaq, Reforming Modernity. Ethics and the New Human in the Philosophy of Abdurrahman Taha, New York, Columbia University Press, 2019.