Département de philosophie

« Ni foi, ni loi, ni roi ». Théorie de l’Etat et archéologie du sujet après Pierre Clastres

 

À Pierre Clastres, l’anthropologue de « la société contre l’Etat », fut reprochée une notion vague d’« Etat ». Elle est pourtant précise : cette manière de faire société qui peut s’accommoder d’à peu près tout sauf de « gens sans foi, ni loi, ni roi » – qu’on déclarera en conséquence impossibles, inconcevables et inexistants. De cette forclusion nous tenterons de dégager une théorie « clastrienne » de l’Etat, que corrèle la configuration du sujet occidental (romano-chrétien, postgrégorien), dans une topique trinitaire d’une souveraineté paternelle, d’une fidélité filiative, et d’une inconditionnalité de l’esprit que nul n’est censé ignorer, ouvrant l’espace des dialectiques symbolicopolitiques qui ne pourront manquer de rediviser incessamment chacun de ces trois pôles. Pas de « sujet » sans roi, sans foi, sans loi ; mais pas de sujet d’Etat qui ne soit dès lors divisé par les conflits contestant la loi établie au nom de la foi (qu’on appelle ainsi ou d’un autre nom la conviction d’un savoir au-delà des savoirs faisant loi), retournant la foi contre le pouvoir du roi, assujettissant le pouvoir royal à la souveraineté de la loi elle-même, ou inversement exceptant de la loi une transgression souveraine supérieurement décisoire, et cetera…

 

Pierre Clastres, La Société contre l’Etat, Paris, Minuit, 1974 ; Anthropologie politique, Paris, Seuil, 1980.

Miguel Abensour (dir.), L’Esprit des lois sauvages, Paris, Seuil, 1980.

Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980 : 5ème plateau.

Claude Lefort, Essais sur le politique. XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1986.

Eduardo Viveiros de Castro, L’inconstance de l’âme sauvage. Catholiques et cannibales dans le Brésil du XVIe siècle (1993), Genève, Labor & Fides, 2020.

David Graeber et Marshall Sahlins, Sur les rois (2017), trad. M. Heide, A. Savona, Ed. de la Tempête, 2023.