KISUKIDI Nadia Yala, L’autre invention de l’Afrique : Marcus Garvey


2023-2024 – Semestre 2
Jeudi 15h-18h
Master ouvert Licence
 
KISUKIDI Nadia Yala
L’autre invention de l’Afrique : Marcus Garvey

Le courant théorique et politique du nationalisme noir sillonna les États-Unis et une partie de la Caraïbe du XIXe au XXe siècles. Ce nationalisme, né de l’expérience de l’esclavage et de la ségrégation raciale, diffère des autres nationalismes, notamment européens, en ce que « ses adhérents ne sont ni unis par une géographie commune ni par un langage commun mais par le nébuleux concept d’unité raciale », pour reprendre les termes de l’historien Wilson Jeremiah Moses. Chez certains penseurs et activistes noirs du XIXe siècle, la résolution du problème racial s’articula à la thématique du retour en Afrique : la volonté d’être un peuple libre et souverain sur un territoire donné (nationalisme) se déploya autour d’une idée de l’Afrique pensée comme unité et lieu de rapatriement pour les noirs dispersés dans le monde, ouvrant l’espace à l’émergence de l’idéologie du panafricanisme. Le penseur et leader de l’UNIA (Universal Negro Improvement Association), Marcus Garvey est l’une des incarnations populaires de ces courants, souvent autoritaires et conservateurs, au XXe siècle. Dans le mouvement « Back to Africa » qu’il organise, se dessine une autre invention de l’Afrique, qui n’est plus systématiquement tributaire des savoirs européens coloniaux comme le thématise le philosophe Valentin-Yves Mudimbe dans The invention of Africa (1988), mais qui naît de l’expérience directe de la violence de la traite Atlantique, de la servitude et de leur refus.
L’enjeu de ce séminaire consistera à analyser, à travers les écrits et les pratiques sociales, politiques de Marcus Garvey, la manière dont les courants théorique et politique du nationalisme noir (à travers des penseurs comme Delany, Blyden, Crummel, Du Bois etc.) ont inventé l’Afrique depuis le passage du milieu, articulant entre elles et réinterprétant les notions de race, de nation, de diaspora et de retour. Il s’agira également de dessiner une certaine idée de la philosophie, travaillée activement par les questions de justice et de transformation du monde social, qui constituent la matrice pratique et conceptuelle des philosophies africana.

Indications bibliographiques :
Kwame Anthony Appiah, In my father’s house. Africa in the philosophy of culture, London, Methuen, 1992.
Giulia Bonacci, Exodus ! L’histoire du retour des Rastafariens en Éthiopie, Paris, Éditions Scali, 2008.
Christine Chivallon, La diaspora noire des Amériques. Expériences et théories à partir de la Caraïbe, Paris, CNRS éditions, 2004.
Amy Jacques-Garvey, Garvey and Garveyism (1963), Baltimore, Black Classic Press, 2014
Marcus Garvey, Philosophy and opinions of Marcus Garvey, ed. by Amy Jacques Garvey, New York, Atheneum, 1980.
Lewis Gordon, An introduction to Africana philosophy, Cambridge, Cambridge University Press, 2008
Wilson Jeremiah Moses, The golden age of black nationalism (1850-1925), Hamden, Archan books, 1978.
Valentin Mudimbe, The invention of Africa, London, Bloomington, 1988.