Séminaire. Une exigence d’émancipation sans laquelle la philosophie ne saurait être : Savoirs, Mondes, Émancipations. janv.-mai 2020


La séquence historique que nous vivons actuellement mérite que nous engagions un travail de réflexion sur les évolutions de la société et la capacité qu’a la philosophie d’établir vis-à-vis d’elles une position critique.
On peut commencer par pointer de manière très concrète et factuelle les situations et les procédures de gouvernement qui appellent une analyse dont la philosophie politique si elle veut être adéquate à son projet ne peut se détourner :
 
  • Que ce soit aujourd’hui le remplacement d’un système de retraites fondé sur la solidarité par un système calquant ses principes sur les assurances privées ; ou hier la fameuse « loi travail » qui n’a eu d’autre finalité que de contrevenir aux capacités collectives qu’ont les salariés de défendre leurs intérêts ; ou encore cette réforme de l’assurance chômage qui réduit à une plus grande misère encore les travailleurs précaires. 
  • Que ce soit la série de transformations infligées à l’université depuis la promulgation, en 2009 de la LRU, avec l’instauration de parcoursup il y a deux ans, la discrimination effectuée à l’encontre des étudiant.es extracommunautaires l’an passé sous couvert du programme « bienvenue en France » ; la présentation prochaine au parlement d’une loi de programmation de la recherche qui va rompre avec les principes d’une université publique et démocratique, instaurant des pratiques managériales et des réductions de la liberté académique
  • Que ce soit ces pratiques policières qui, au nom d’un maintien de l’ordre, nassent, gazent, blessent, mutilent les manifestants ; ces recours à une justice de classe qui sanctionne par de la prison ferme tous ceux qui combattent pour que leurs droits soient reconnus ; ces arrestations mortelles que le ministère couvre ; ces réfugiés que l’on pourchasse inlassablement
Plus généralement il faut voir dans ces mutations profondes qui traversent les sociétés contemporaines un renforcement et une systématisation de procédures anciennes de domination, accompagnés par l’affirmation de moins en moins dissimulée, de plus en plus cynique et explicite de leur « nécessité », de leur caractère inéluctable.
Mutations qui vont toutes dans le même sens : 
 
  • Renforcement partout des instances disciplinaires
  • Justification d’une politique de classe qui rompt avec toute idée de solidarité
  • Contrôle des médias assuré par des grands groupes financiers
  • Perversion systématique du langage
Les prévisions les plus alarmantes établies dans la deuxième moitié du vingtième siècle autour du concept d’aliénation (Anders, Debord, Gorz, Guattari, Illich, Marcuse...) se trouvent aujourd’hui plus que confirmées. Aux horizons d’émancipation dépliés par la diversité des écoles, des courants de pensée, des sensibilités, des identifications se reconnaissant sous le terme générique – et désormais épuisé – de « socialisme », s’est substitué une inquiétante atmosphère de résignation, parfois même d’adhésion à l’invivable qui doit nous amener à réinterroger les catégories de sujet, de volonté, de liberté, ainsi que d’individu et de collectivité.

Parce que nous pensons qu’aucune de nos « grandes questions métaphysiques » (conscience, être, expérience, mémoire, intuition, imaginaire…) n’est épargnée dans cette radicalisation des effets de domination générée par la victoire tant culturelle que pratique qu’a effectué le capital dans les deux dernières décennies du siècle précédent - et notamment pas la question du savoir, de sa construction et de sa transmission - cette réflexion nous paraît relever directement du champ d’investigation de la philosophie.

Au-delà de la nécessité qui est nôtre de lever les impostures, de percer à jour les usages fallacieux des concepts qui ont permis à nos pères de penser un monde où règnerait l’égalité, il nous paraît ainsi décisif de remettre en chantier la question de savoir comment penser autrement les conditions de possibilité d’une philosophie qui soit au service de l’émancipation.
Parce que nous pensons que ce questionnement ne peut s’inscrire dans une structure classique de cours, mais qu’il réclame une exploration commune impliquant des formes non académiques de discussion, nous avons décidé de joindre nos deux séminaires (E.Lecerf / « Rencontres fortuites entre intuition et attention ») (B.Ogilvie / « L’Écriture du réel ») en un seul séminaire :
 
« Une exigence d’émancipation sans laquelle la philosophie ne saurait être : Savoirs, Mondes, Émancipations »
 
Dates/Horaires et salle :
 
  • Jeudi 30 janvier 2020 à 13h, salle A028
  • Mercredi 5 février 2020 à 12h, salle A028
  • Jeudi 13 février 2020 à 15h, salle A028
  • Mardi 18 février 2020 à 12h, salle C106
  • Mardi 25 février 2020 à 12h, salle A028
  • Mardi 3 mars 2020 à 12h, salle A028
  • Mardi 10 mars 2020 à 16h30, salle C103
  • Mardis à 12h, salle A028 jusqu’à la fin (17 mars, 24 mars, 31 mars, 21 avril, 28 avril, 5 mai, 12 mai, 19 mai, 26 mai 2020)
Nous engageons toutes celles et ceux que ce travail commun intéresse à songer aux questions concrètes sur lesquelles ils/elles voudront confronter leurs analyses, à imaginer sous quelle forme concevoir une argumentation, à penser les circonstances les plus favorables pour initier à leur propos un échange. N’hésitez pas à nous faire part de vos réflexions.