Séminaire. Histoire et histoire naturelle (Naturgeschichte) chez Walter Benjamin et Theodor W. Adorno. 22, 29 mars et 12 avril 2022


À l’invitation du LLCP et du Département de philosophie
Dans le cadre du séminaire de Michèle Cohen-Halimi (LLCP, Paris 8)
« Freud et la question allemande de la Kultur (culture/civilisation) »
– Ouvert au doctorat –
 
Francisco Naishtat (Conicet, UBA/LLCP, Paris 8)
« Histoire et histoire naturelle (Naturgeschichte) chez Walter Benjamin et Theodor W. Adorno »
 
Mardis 22, 29 mars et 12 avril 2022
9h00-12h00
Salle A062 — Université Paris 8
 
 
RÉSUMÉ DE L’ARGUMENTAIRE :
Chez Benjamin dès 1925 et chez Adorno dès 1932, l’histoire naturelle (Naturgeschichte) devient, au-delà de l’archive du mouvement et des mutations de la nature (histoire naturelle chez Bacon, Newton, Buffon et Goethe), un trait ontologique de l’histoire humaine elle-même, en tant qu’obsolescence et caducité (Vergänglichkeit), et donc une forme de retour de la nature dans l’histoire : sa facies hippocratica, ainsi que Benjamin la nomme dans son Trauerspiel (GS I.1, 343). Dès le moment où Naturgeschichte devient ainsi chez Benjamin et Adorno une notion pour la pensée de l’histoire, elle revêtira des traits inédits dans la philosophie :
(a) Comme une pensée de la caducité et du dépérissement à l’échelle de l’historique ;
(b) Comme une pensée de la réification et de ce que Lukács a appelé « Seconde Nature » pour parler des processus de réification, subjectivation et reproduction culturelle dans le capitalisme moderne (Lukács, 1916 ; Adorno, 1932) ;
(c) Plus spécifiquement chez Benjamin, à partir du Passagen-Werk, (1927-1940), l’histoire naturelle sera pensée comme « préhistoire » de la modernité, en joignant aux caractères négatifs développés préalablement, un potentiel d’ouverture du présent à partir du fossile et de la ruine de la modernité elle-même. La « Préhistoire » ou « Protohistoire » (Urgeschichte) inspirée de la notion goethéenne de Ur-Phänomen, se réfère non pas à un temps antédiluvien mais au domaine « archaïque » le plus récent, c’est-à-dire le suranné, constitué des ruines, déchets et fossiles que le capitalisme industriel moderne produit dans sa course frénétique au « progrès », et qui enferment néanmoins une dialectique semblable à celle du refoulement (Verdrängung) dans l’inconscient freudien, avec un potentiel positif libérant des possibilités à l’échelle du présent. 
 
 
PROGRAMME DES TROIS SÉANCES
 
Séance du mardi 22 mars
- Introduction à l’Histoire naturelle dans les Lumières et dans le romantisme (Bacon, Newton, Rousseau, Kant, Buffon, Schlegel, Novalis, Goethe).
- L’histoire naturelle dans l’Origine du Trauerspiel allemand de Walter Benjamin (1916-1928) : Facies Hippocratique de l’histoire. La souveraineté politique et le drame baroque sous l’angle de l’histoire naturelle. Catastrophe, état d’exception permanent et eschatologie baroque. 
 
Séance du mardi 29 mars
- L’essai du jeune Adorno sur « l’idée d’Histoire naturelle » (1932). L’antécédent de la Théorie du roman de Georgy Lukács (1916) et son idée de seconde nature comme réification (Verdinglichung), la lecture adornienne du Trauerspiel benjaminien. Le problème de la rédemption (Erlösung) et l’histoire naturelle.
 
Séance du mardi du 12 avril
- L’histoire naturelle comme préhistoire (Vorgeschichte) et proto-histoire (Urgeschichte) dans le dernier Benjamin (1927-1940) (Passagen-Werk, Second Essai sur Baudelaire de 1938 et 1939). Thèses sur le concept d’histoire. Nature et seconde technique chez Benjamin. Le non-humain (Unmensch) et l’idée d’histoire naturelle dans le cadre du matérialisme anthropologique benjaminien. Matérialisme anthropologique et matérialisme historique.
- Conclusion pour la pensée de notre présent : une pensée philosophique du retour de la nature dans l’histoire et la question de la technique dans la dernière modernité.
 
Dans le contexte actuel de crise des fondements humanistes de l’histoire, ce séminaire aspire non seulement à nourrir la connaissance que les étudiants et doctorants de l’Université de Paris 8 ont des œuvres de Benjamin et d’Adorno, mais à éveiller l’attention de tous aux enjeux nouveaux des rapports de notre propre contemporanéité et de notre propre crise civilisationnelle avec l’historicité.
 
 
Bibliographie obligatoire
Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand, (1928) Paris, Flammarion, 1985, Collection dirigée par Jacques Derrida, Sarah Kofman, Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, pp. 23-56, 171-254.
Original : Walter Benjamin, Gesammelte Scriften, I/1, 203-430, Frankfurt a/M, Suhrkamp, 1991.
Paris Capitale du XIXe siècle. Le livre des Passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989, exposés de 1935 et de 1939, pp. 33-60.
Konvolutes B, D, E, J, K, N.
Original : Walter Benjamin, Das Passagen Werk, Erster Band, GS V/1, Frankfurt a/M, Suhrkamp, 1982.
Theodor Adorno, « Die Idee der Naturgeschichte », dans Die Aktualität der Philosophie, 345-365.
En fr. « L’Idée d’histoire de la nature », en L’Actualité de la philosophie et autres essais, Paris, ENS, 2018, trad. Jacques-Olivier Bégot.