RENAULT Matthieu, Maître et Esclave (ou Hegel en mode mineur) (I)


2020-2021 — Semestre 1
Mercredi 12h-15h
Licence, Master
 
RENAULT Matthieu
Maître et Esclave (ou Hegel en mode mineur) (I)
 
Conclusion d’un chantier de recherche initié il y a cinq ans et dont certaines parties ont fait l’objet d’enseignements au cours des précédentes années, ce séminaire se propose l’examen systématique des réécritures minoritaires de la dialectique « hégélienne » du maître et de l’esclave au XXe siècle et en ce début de XXIe siècle. Fruit des circulations transcontinentales du hégélianisme, ces réappropriations ont eu pour opération sous-jacente le renversement du trope de la maîtrise et de la servitude comme « métarécit du pouvoir » en un « métarécit de l’émancipation » narré du point de vue de l’esclave (Gilroy). Réexaminant « par la bande » la question exégétique de la dénotation historique de la notion de Knechtschaft chez Hegel (esclavage antique ou moderne, servitude féodale voire bourgeoise, etc.) et/ou ses racines intra- philosophiques, et partant les enjeux théorico-politiques de sa traduction, nous nous pencherons sur les appropriations marxistes (Marcuse, Lukács, Dunayevskaya, Kosík, etc.), féministes (Beauvoir, Irigaray, Pateman, Butler, etc.) et antiracistes (Fanon, Angela Davis, Patterson, Wa Thiongo, etc.) de la dialectique maître-esclave, en les resituant dans le contexte plus large de ses reconfigurations dans les champs philosophique (Sartre, Merleau-Ponty), littéraire (Queneau, Bataille), psychanalytique (Lacan), religieux (Berdiaev, Fessard) et pédagogique (Freire), ou encore, et par opposition, dans les mouvements libéraux-conservateurs nord-américains autour du motif de la « fin de l’histoire » (Bloom, Fukuyama) et jusqu’au sein de l’anti-hégélianisme lui-même (Deleuze, Lonzi). Réactivant librement le projet foucaldien d’une « ethnologie de la culture à laquelle nous appartenons », nous proposons de concevoir la dialectique maître-esclave comme un mythe moderne au sens spécifique de l’anthropologie de Lévi-Strauss, en se donnant comme « mythe de référence » la version que livra (inventa) Kojève dans son célèbre séminaire à l’École Pratique des Hautes Études dans les années 1930. Nous étudierons par conséquent ces traductions du récit de la maîtrise et de la servitude comme autant de variations sur un thème dont il s’agira de dégager les lois de transformation structurelle en se mettant, à titre heuristique, en quête d’une formule canonique du mythe.
 
Indications bibliographiques :
 
  • Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe (2 tomes), Paris, Gallimard, 1986 (1949).
  • Susan Buck-Morss, Hegel et Haïti, Paris, Lignes - Léo Scheer, 2006 (2000).
  • Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs (1952), in Œuvres, Paris, La Découverte, 2011.
  • Paul Gilroy, L’Atlantique noir. Modernité et double conscience, Paris, Éditions Amsterdam, 2017 (1993). Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, Gallimard, 1979 (1947).
  • Herbert Marcuse, Raison et révolution, Paris, Éditions de Minuit, 1968 (1941).