MUR Quentin et SIBERTIN-BLANC Guillaume. Droit ou magie : un autre « grand partage » anthropologico-philosophique ?


2019-2020 – Semestre 2
Vendredi 12h-15h
Licence, Master
 
MUR Quentin et SIBERTIN-BLANC Guillaume
Droit ou magie : un autre « grand partage » anthropologico-philosophique ?
 
La remise en cause contemporaine du « grand partage » métaphysique de la Nature et de la Culture, s’est accompagnée d’une remise en question des cadres de l’anthropologie juridique. Celle-ci s’était donnée pour idée régulatrice que « la juridicité de la condition humaine est aussi universelle que la condition humaine elle-même » (L. Assier-Andrieu) ; le mouvement en cours paraît plutôt celui d’une décomposition de cet axiome, d’un côté en direction d’une condition humaine non universellement juridicisable, de l’autre côté en direction d’une universalisation du droit élargie, au-delà de la condition humaine, aux existants non-humains. S’en trouve complexifié le sens de la juridicité, comme terrain de conflictualité politique et comme langage de traduction pour les luttes des peuples autochtones et les luttes écologiques. Mais si l’humain n’est pas tout, le droit ne peut l’être davantage : qu’est-ce qui reste, que le droit exclut, ou qui lui résiste ? Ce séminaire mettra à l’épreuve l’hypothèse que les partages nature-culture sont surdéterminés par un contraste perspectif tout aussi crucial, politiquement, sociologiquement et cosmologiquement, entre les mondes fonctionnant au droit et les mondes fonctionnant à la magie. Repartant de l’Esquisse pour une théorie générale de la magie de Hubert et Mauss, et de son rapport à L’Essai sur le don (que Mauss envisageait comme une contribution à une anthropologie historique du droit), nous tenterons d’accentuer ce contraste entre deux schématismes techniques qui véhiculent aussi deux images de la pensée incompossibles, deux régimes d’inscriptions de valeurs symboliques dans un ars ou une pratique qui sont aussi deux manières de fabriquer du monde et d’y répartir les axes de l’individuation et de la socialisation.
 
Indications bibliographiques :
 
  • Michel Foucault, « La magie – le fait social total » [cours de 1950], Zilsel, Editions du Croquant, 2017/2, n° 2.
  • Alfred Gell, L’Art et ses agents, Les Presses du réel, 2009.
  • Paul Huvelin, « Magie et droit individuel », L’Année sociologique, t. 10, 1905-1906, pp. 1-47.
  • Marcel Mauss et Henri Hubert, Esquisse pour une théorie générale de la magie (accessible en ligne)
  • Alfred Métraux : Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud, Paris, Gallimard, 1967.
  • Alain Supiot, Homo juridicus. Essai sur la fondation anthropologie du droit, Seuil, 2005.
  • Eduardo Viveiros de Castro, « Le don et le donné : trois nano-essais sur la parenté et la magie », Ethnographiques.org, n°6, novembre 2004 (accessible en ligne).
  • Yan Thomas, Les Opérations du droit, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 2011.